La passion d’un retraité pour la vigne vire au casse-tête juridique, révélant les zones floues entre tradition et commerce interdit.
À Saint-Émilion, un retraité pensait simplement faire revivre un bout d’histoire familiale en cultivant quelques vignes. Il a mis les mains dans la terre, embouteillé son vin, et offert des bouteilles autour de lui. Rien d’extraordinaire. Sauf qu’un détail lui a échappé : les commercialisations viticoles clandestines, en France, ne sont pas vues d’un bon œil… même quand tout part d’un geste sincère.
Viticulture : les commercialisations clandestines en question
Jacques Delorme a 70 ans, le regard franc et les mains marquées par la vigne. Après une vie passée dans les moteurs et les boulons, il est revenu au calme, à ses racines, là où son grand-père taillait déjà les ceps. Il n’avait pas prévu de lancer une affaire. Il voulait juste faire du vin pour sa famille, ses amis, ses voisins. Une petite production artisanale, sans prétention. Puis les gens ont goûté. Ils ont aimé. Certains ont proposé d’acheter. Il a dit oui, sans trop réfléchir. C’est là que les choses ont dérapé.
Quelques mois plus tard, un courrier officiel a atterri dans sa boîte. Quelqu’un, probablement un voisin jaloux ou trop zélé, avait signalé une commercialisation viticole clandestine. Il ne comprenait pas. Il ne se voyait pas comme un vendeur illégal, encore moins comme un fraudeur. « Je faisais ça à l’ancienne. Une bouteille par ici, une autre par là. Jamais à grande échelle », raconte-t-il, les épaules un peu plus basses. Ce qu’il ignorait, c’est que même pour vendre dix bouteilles par an, il faut cocher des cases. Et pas qu’un peu.
Le droit du vin : un labyrinthe pour les petits producteurs
En France, le vin, ce n’est pas juste du vin. C’est du patrimoine, une religion, un pilier de l’économie. Avec ses règles, ses AOC, ses démarches, ses déclarations, ses contrôles. Tout est codifié, pesé, vérifié. Et tant pis pour les petits, comme Jacques, qui ne lisent pas le Code rural au petit-déjeuner. Produire, d’accord. Mais vendre ? Sans statut, sans licence, sans affiliation à une coopérative ? C’est illégal. Ce sont les fameuses commercialisations viticoles clandestines, surveillées de près.
Et c’est là que tout se tend. Parce que derrière cette rigueur, il y a des gens qui essaient juste de faire les choses bien, mais à leur échelle. Pas pour s’enrichir. Pas pour concurrencer les grands domaines. Juste pour transmettre un savoir, honorer une terre, créer du lien autour d’un verre fait maison. Jacques s’est retrouvé coincé entre deux mondes : celui des amoureux de la vigne, et celui d’une administration qui ne laisse rien passer.
Il aurait pu abandonner. Au lieu de ça, il a préféré comprendre. Il s’est rapproché de la chambre d’Agriculture, a assisté à des réunions, a rempli des dossiers longs, fastidieux, mais nécessaires. Aujourd’hui, il est en règle. Il a son autorisation. Mais le goût amer est resté. Celui d’avoir été traité comme un délinquant, alors qu’il voulait juste continuer une tradition familiale.
Réconcilier réglementation et passion
Ce que l’histoire de Jacques révèle, c’est un fossé grandissant entre les textes et la réalité. Les commercialisations viticoles clandestines ne sont pas toujours des actes de fraude. Parfois, elles sont juste le fruit d’une ignorance sincère ou d’un système trop rigide. Et c’est précisément là que le débat doit s’ouvrir : peut-on imaginer un cadre plus souple pour les petits producteurs, les retraités passionnés, les viticulteurs du dimanche qui ne cherchent ni fortune ni renommée ?
Autour de Jacques, les réactions ont été nombreuses. Des voisins sont venus le soutenir. Des viticulteurs plus expérimentés l’ont épaulé. Certains élus locaux se sont même intéressés à son cas, évoquant la possibilité de créer des statuts spécifiques pour ces pratiques modestes. Car ce que Jacques a réveillé, ce n’est pas juste une polémique. C’est une prise de conscience. Un besoin de revoir certains textes, de redonner un peu de bon sens à des règles devenues parfois sourdes.
À travers lui, c’est toute une génération qui s’interroge. Des hommes et des femmes qui refusent de laisser la passion s’éteindre sous le poids des procédures. Des citoyens qui veulent produire, partager, faire vivre un patrimoine autrement. Sans tomber dans les pratiques interdites, mais sans devoir non plus traverser un parcours du combattant pour une poignée de bouteilles.