Cette pratique controversée des années 70 pour combattre le mildiou revient en force : les jardiniers bio sont-ils en train de trahir leurs principes ?

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À l’heure où le bio dicte sa loi, une méthode oubliée des années 70 contre le mildiou intrigue à nouveau les jardiniers.

Une bataille entre convictions bio et réalité du terrain

Dans les années 70, beaucoup utilisaient ce fameux mélange bleuâtre qu’on appelle bouillie bordelaise. Un cocktail de cuivre et de chaux qui agit comme une barrière contre le mildiou. C’est simple, pas cher, et ça marche. Mais le cuivre ne disparaît pas comme par magie. Il s’accumule dans le sol, parfois pendant des années. Et ça, les jardiniers bio le savent bien.

Marc Duval, vigneron en bio depuis vingt-trois ans, s’est longtemps opposé à tout ce qui ne venait pas directement du sol ou des plantes. Il a tenu bon, refusé la bouillie, même lors d’années difficiles. Jusqu’à ce que le climat lui joue un sale tour.

« Ce n’est pas un choix que j’ai fait de gaieté de cœur », confie-t-il. « Trois saisons de suite avec des pertes énormes… Tu regardes tes vignes et tu sais que sans action, tout va pourrir. »

Lui, il parle d’un arbitrage. Il dose, il espace les traitements, il observe. Il cherche l’équilibre. Pour lui, le traitement naturel contre le mildiou, ce n’est pas un automatisme. C’est une réponse. Et c’est peut-être là toute la nuance.

Une méthode tolérée, mais pas sans conditions

La bouillie bordelaise reste autorisée dans le cahier des charges bio. Pas librement, non. Des doses limitées, des contrôles, et une vigilance constante sur les sols. Trop de cuivre, et c’est la vie souterraine du sol qui trinque. Les vers, les bactéries, tout ce petit monde utile finissent par souffrir.

Certains chercheurs travaillent sur des solutions plus fines, plus ciblées, qui pourraient remplacer ce vieux remède. Des extraits de plantes, des bactéries bénéfiques, même des croisements variétaux qui rendraient les cultures moins vulnérables. Mais ces alternatives peinent à s’imposer dans les zones fortement touchées. Elles ne tiennent pas encore la route face à une attaque massive.

Pour l’instant, le traitement naturel contre le mildiou reste, pour beaucoup, un moindre mal. Une sorte de compromis entre éthique et survie. Les jardiniers bio ne le prennent pas à la légère. Ils savent qu’à force, leur sol pourrait en pâtir. Mais perdre une récolte entière, c’est plus qu’un risque. C’est parfois une menace directe pour leur activité.

D’autres stratégies commencent à émerger. Certaines variétés de tomates ou de pommes de terre montrent une meilleure résistance. Les calendriers de plantation sont revus. On ose de nouveaux mélanges dans les cultures. Les filets, les abris mobiles, les préparations maison à base de prêle ou de bicarbonate, tout est testé.

Mais rien n’est encore assez fiable pour remplacer complètement ce vieux réflexe. Et tant que les conditions météo jouent contre les producteurs, ce type de traitement naturel restera dans les discussions. Et dans les cabanons.

Une transition pleine d’ajustements

Le débat ne se résume pas à un oui ou un non. Il se vit dans les choix quotidiens, dans les gestes mesurés, dans l’observation patiente des signes sur les feuilles. Le traitement naturel du mildiou ne se présente plus comme la solution idéale. C’est un pis-aller que certains maîtrisent avec finesse.

Le bio évolue. Il doute, il expérimente, il se remet en question. Et c’est peut-être ça, sa vraie force. Ce n’est pas une religion, c’est une pratique vivante. Qui s’adapte, sans trahir, mais sans s’aveugler non plus.

L’histoire de Marc, comme celle de bien d’autres, montre que rien n’est figé. Que même les principes doivent parfois s’assouplir pour ne pas tout perdre. L’avenir se joue dans cette marge. Dans ces zones grises où se croisent les convictions, les impératifs, et le bon sens.

Et si demain une alternative plus propre voit le jour, c’est bien ceux qui se seront accrochés, auront expérimenté, testés, qui l’auront rendue possible. En attendant, chaque goutte bleue versée sur les feuilles malades porte en elle une question simple : jusqu’où peut-on aller pour protéger ce qu’on cultive sans abîmer ce qui nous fait vivre ?

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