Cette marque de vêtements haut de gamme est en faillite : elle avait un atelier près de Dieppe

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Un atelier animé par des couturières chevronnées, des tissus nobles, un vrai pari sur le Made in France. L’histoire avait tout pour plaire. Pourtant, l’aventure s’arrête brutalement : la faillite de Maison Décalé résonne comme un signal inquiétant dans le paysage textile normand. Derrière le rideau tombé, on devine une histoire d’ambition, de choix stratégiques courageux et de coups durs que personne n’avait vraiment anticipés.

Faillite de Maison Décalé : la promesse du local brisée

Au départ, tout semblait tenir la route. Créée à Rouen en 2018, la marque avait fait le choix de relocaliser sa production en Normandie après un début en Chine puis en Tunisie. Un atelier installé à Luneray, quatre couturières expérimentées, et une envie claire : miser sur un savoir-faire français. Cette décision n’était pas un simple argument marketing. Les fondateurs, Caroline Chedrey et François Puech d’Alissac, voulaient garantir la qualité et offrir de la transparence à leurs clients. Ils croyaient que rapprocher la production de leur maison mère Somatico renforcerait la fiabilité et l’image.

Pendant un temps, le pari a semblé payant. Les vêtements sortis de l’atelier respiraient la solidité, les coupes étaient soignées, les finitions irréprochables. Les consommateurs sensibles au « local » trouvaient là une alternative crédible aux marques standardisées. Mais la faillite de Maison Décalé rappelle que la passion et la vision ne suffisent pas toujours face aux contraintes d’un secteur impitoyable. Les charges sociales, le coût des matières premières, les salaires, tout s’est accumulé jusqu’à créer une pression insoutenable.

Le 1er juillet 2025, la nouvelle tombe : liquidation judiciaire. Le Bodacc confirme que la maison mère était en cessation de paiement depuis le 7 mai. Derrière cette ligne administrative, ce sont des dettes, des fournisseurs laissés sans règlement et des salariés en attente de salaires. Une réalité bien plus dure que la belle vitrine des débuts.

Une ascension prometteuse stoppée net

La marque n’était pas qu’un simple atelier. Elle avait su séduire par ses vêtements techniques : parkas, trenchs, vestes pensées pour la pluie, le vent, les randonnées. Des pièces robustes, élégantes, capables de tenir tête à la météo comme aux codes de la mode urbaine. Ce mélange de praticité et d’élégance avait même ouvert des portes prestigieuses. Maison Décalé habillait le Deauville International Polo Club et d’autres cercles parisiens très fermés. Ce n’était pas rien : une reconnaissance qui installait la marque dans un univers exigeant.

Rouen avait accueilli la première boutique rue Saint-Romain. Les clients curieux s’y pressaient, certains parlaient déjà d’une prochaine implantation à Deauville. L’avenir semblait tracé. Mais les signaux inquiétants ne tardent pas : la boutique ferme en 2020, un mauvais présage qui annonçait un recul commercial difficile à enrayer. La pandémie, les changements d’habitude de consommation, la concurrence féroce des grandes enseignes… tout s’est entremêlé.

La faillite de Maison Décalé ne vient donc pas d’un coup sec. C’est une succession de petits chocs, de reculs successifs, de dettes qui s’empilent. Le passif grimpe à plus de 2,7 millions d’euros. Les salaires en retard, plus de 33 000 € non versés, ajoutent un poids moral à la tempête financière. L’administration fiscale, elle, réclame plus de 1,3 million. Les fournisseurs, eux aussi, attendent près d’1,2 million. On parle de chiffres froids, mais derrière, ce sont des familles, des artisans, des sous-traitants qui trinquent.

Un coup dur pour le textile normand

Cette histoire dépasse largement les murs de l’atelier de Luneray. La faillite de Maison Décalé illustre la fragilité d’un secteur pourtant plein de talents. Dans la région, d’autres boutiques ferment, d’autres ateliers réduisent leurs équipes. Le tribunal de commerce de Rouen le constate : la crise du textile a fait basculer plusieurs acteurs, même les mieux armés.

Somatico, la maison mère, n’était pas en reste. Elle travaillait depuis des années avec l’armée et les pompiers, prouvant une expertise solide dans les vêtements techniques. Mais ce savoir-faire ne protège pas contre les dettes et les retards de paiement. Les comptes sont dans le rouge depuis trop longtemps. À force de tirer sur la corde, tout lâche.

Pour les passionnés de mode comme pour les professionnels, la faillite de Maison Décalé a quelque chose d’amer. C’était une marque qui portait haut la promesse du local et du haut de gamme français. Elle avait trouvé un écho auprès d’une clientèle exigeante, prête à payer pour une pièce solide et élégante. Mais le marché, lui, impose ses règles : volumes élevés, marges serrées, réseaux de distribution puissants. Les petits acteurs, même talentueux, peinent à suivre.

L’avenir ? Flou. Certains espèrent un repreneur, d’autres misent sur une réinvention du modèle. Une chose est sûre : le coup porté laisse des traces dans la filière normande. Ceux qui veulent continuer devront se réinventer, trouver d’autres équilibres entre qualité, prix et visibilité. La faillite de Maison Décalé ne signe pas la fin de l’histoire textile en Normandie, mais elle rappelle que le chemin reste semé d’embûches.

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