Une dizaine de communes se désolidarisent du label « Les plus belles fêtes de France » après la révélation du financement par Pierre-Edouard Stérin

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À l’origine, c’était juste une idée plutôt joyeuse. Un label, un logo, un petit coup de projecteur sur des fêtes locales, ces moments suspendus qui font vibrer les villages. Des danses bretonnes, des bandas du Sud-Ouest, des bals, des processions. L’authentique, le vivant, le populaire. Puis le vernis s’est fissuré. Depuis quelques semaines, plusieurs communes ont discrètement rangé leur pancarte. Le retrait des communes du label Les plus belles fêtes de France n’est plus un simple détail logistique : c’est devenu un geste.

Personne n’avait vraiment fait attention, au départ. Ce label sentait bon la nostalgie et la convivialité. L’association qui le gérait semblait jeune, dynamique, bien connectée. Et les organisateurs locaux, souvent bénévoles, avaient vu là un moyen de donner un peu plus de lumière à leurs événements. Mais en juillet, une enquête a révélé ce que beaucoup ignoraient : derrière les confettis, un financement idéologique bien huilé. Et soudain, la fête a changé de ton.

Retrait des communes du label Les plus belles fêtes de France : un malaise plus profond qu’il n’y paraît

C’est L’Humanité qui a levé le voile. L’argent venait, entre autres, du Fonds du bien commun. Une structure portée par Pierre-Edouard Stérin, milliardaire catholique et très engagé à droite. Dans l’organigramme, on retrouve aussi Studio 496, agence événementielle dans laquelle il détient des parts. Le nom fait référence à l’année du baptême de Clovis. Pas anodin. Et tout ça, posé en filigrane derrière un label censé n’avoir rien de politique. Les maires ont tiqué.

Il y a eu des coups de téléphone. Des réunions improvisées. Certains ont tenté de temporiser. D’autres ont coupé court. Le retrait des communes du label Les plus belles fêtes de France s’est alors enclenché, un peu partout : en Bretagne, dans le Pays basque, en Gironde. Des villages entiers ont décidé de prendre leurs distances, parfois sans faire de bruit, parfois avec des mots très clairs. Parce que quand la culture devient un levier idéologique, ça coince.

Ce ne sont pas des élus militants. Ce sont des gens de terrain, attachés à leurs traditions, souvent au-dessus des clivages. Mais là, ils ont senti un parfum de récupération. Ils n’avaient pas signé pour ça. Et même si aucun euro public n’était en jeu, la question de l’image, elle, ne pouvait pas être évacuée. Car si la fête rassemble, la politique divise. Et la confusion des deux finit par exploser entre les mains.

Que reste-t-il quand le folklore devient outil ?

Pour les équipes qui bossent sur ces fêtes depuis des années, l’annonce a été un coup dur. Certains ont d’abord accusé la presse, puis se sont renseignés, puis ont compris. D’autres ont défendu le label jusqu’au bout. Mais à mesure que le nom de Stérin s’imposait dans le débat, la tension est montée. Les décisions ont suivi. Une dizaine de collectivités ont déjà annoncé leur retrait des communes du label Les plus belles fêtes de France. D’autres hésitent encore, mais l’élan est enclenché.

Ce n’est pas qu’une affaire de badge ou de logo. C’est une remise en question du lien entre argent privé et mémoire collective. Le financement des traditions populaires ne peut pas s’envisager comme un outil d’influence. Les gens qui dansent dans les rues, qui cousent les costumes, qui montent les estrades ne veulent pas devenir les figurants d’un récit écrit ailleurs.

Ce que raconte le retrait des communes du label Les plus belles fêtes de France, c’est aussi la fragilité de ces événements. Ils tiennent debout grâce à des bénévoles, des mairies sous pression, des partenariats parfois bancals. Alors quand une aide arrive, bien emballée, difficile de la refuser. Jusqu’au jour où l’étiquette glisse. Et que le financement devient fardeau.

Il ne s’agit pas de pointer du doigt ceux qui ont cru bien faire. Mais de rappeler que derrière chaque « marque » qui s’invite dans nos territoires, il y a un projet. Et parfois, ce projet n’a pas grand-chose à voir avec la fête. Encore moins avec la diversité des cultures locales.

Aujourd’hui, le label est abîmé. Ceux qui s’en retirent veulent pouvoir continuer à faire vivre leurs traditions sans avoir à les justifier, sans soupçon de récupération. Le retrait des communes du label Les plus belles fêtes de France marque une cassure, mais aussi une prise de conscience. Et si ça pouvait, au passage, rappeler à quel point ces fêtes méritent d’être soutenues pour ce qu’elles sont libres, imparfaites, populaires alors ce ne serait pas perdu.

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