« C’est un très mauvais signe » : pourquoi des raies géantes sont-elles aperçues près des côtes méditerranéennes ?

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Elles glissent sous la surface comme des oiseaux dans un ciel d’eau. Énormes, silencieuses, élégantes. Depuis le début de l’été, on voit apparaître un peu partout ces silhouettes ondulantes qu’on croyait réservées aux fonds marins lointains. À Béziers, à Marseillan, à Sète ou encore au large d’Agde, les raies géantes des côtes méditerranéennes offrent un spectacle inattendu. On ne les attendait pas là. Elles sont venues quand même.

Un gamin les a vues depuis le bateau. Il pensait avoir rêvé. Une femme a cru à un dauphin, avant de comprendre. Et ce moment d’étonnement se transforme vite en fascination. Parce qu’on n’a pas l’habitude de croiser ces créatures ici, aussi près du rivage. En vrai, elles pèsent plus de 300 kilos, mais dans l’eau, elles volent. Ça ressemble à de la magie, mais c’est bien réel. Et personne ne sait très bien pourquoi elles sont là.

Raies géantes des côtes méditerranéennes : une apparition aussi sublime qu’inquiétante

Ce n’est pas juste rare. C’est déroutant. Les raies géantes des côtes méditerranéennes, Mobula mobular, pour les puristes préfèrent normalement le large, les grandes profondeurs, les eaux calmes à plus de 1 000 mètres sous la surface. Ce ne sont pas des habitantes du bord de plage. Et pourtant, elles sont là, à quelques encablures des baigneurs, parfois même échouées sur le sable. Ce n’est pas censé arriver.

Les scientifiques s’interrogent. Pas de certitudes, juste des pistes. La nourriture, peut-être. Ces raies se nourrissent de plancton. Et si le courant l’avait ramené plus près ? Ou la température de l’eau ? Le vent de début de saison ? Aurélien Guay, qui organise des sorties en mer depuis des années, ne cache pas sa surprise. Il en a rarement vu autant. Et encore moins aussi près.

Pour certains, c’est une aubaine. Un moment rare, une connexion fugace avec un monde qu’on effleure à peine. Mais pour ceux qui les connaissent bien, c’est un signal d’alerte. Matthieu Lapinski, biologiste et président de l’association Ailerons, tire la sonnette d’alarme. Voir ces raies échouées, c’est tout sauf anodin. Elles fuient quelque chose, ou elles sont désorientées. Dans tous les cas, elles n’ont rien à faire là. Et ça, c’est préoccupant.

Des géantes en sursis

Ce sont des colosses tranquilles. Aucun danger pour l’homme. Pas de dard, pas d’agressivité, pas de mouvement brusque. Juste des battements d’ailes, lents, souples, comme une danse ancienne. Mais derrière leur grâce, il y a une réalité bien plus dure. Les raies géantes des côtes méditerranéennes sont en train de disparaître. Lentement, mais sûrement. La pêche, la pollution, surtout plastique, grignotent leur habitat et leur avenir.

Elles n’ont ni carapace ni défense. Elles nagent, elles filtrent l’eau, elles traversent les mers sans bruit. Et elles se retrouvent piégées dans des filets. Ou le ventre rempli de déchets invisibles. On ne les voit pas saigner, mais elles souffrent. Et leur apparition soudaine, cet été, pourrait bien être le dernier clin d’œil d’une espèce en bout de course.

La Méditerranée surchauffe. Les courants changent, les repères se brouillent. Tout ça a un impact. Et les raies géantes des côtes méditerranéennes, comme d’autres espèces fragiles, subissent sans protester. Elles remontent, elles s’approchent. Elles s’égarent. Parfois, elles s’échouent. Elles finissent photographiées au lieu d’être protégées. Et ce ballet qui émerveille aujourd’hui pourrait très vite devenir un souvenir.

Le pire, c’est que la plupart des gens ne savent même pas leur nom. On les appelle « manta », « diables de mer », « gros poissons plats »… mais on les connaît mal. Et comme souvent, ce qu’on ne connaît pas, on le laisse filer. Les raies géantes des côtes méditerranéennes n’ont pas la médiatisation des dauphins ou des tortues. Pas de peluche à leur effigie, pas de mascotte. Juste leur présence. Et pour combien de temps encore ?

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